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- Ce sujet contient 1 réponse, 2 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Xavier PINCEDÉ, le il y a 4 années et 6 mois.
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30 mai 2020 à 22 h 22 min #1861André NIHOUARNBloqué
La réunion-critique
Je presse le pas. Je souffle dans mon masque. Je suis un peu en retard.
La réunion de l’APC, c’est ce soir. Critiques de photos.
J’ai ma clé USB avec mes trois photos.
Je pousse la porte de la salle. J’entre.
Mon entrée fait soubresauter les cinq créatures présentes. Quatre créatures, masquées, sont assises à distance réglementaire, la sacro-sainte distanciation sociale, et la cinquième est debout, au loin, masquée et visiérée, le manager.
Cinq paires d’yeux fossilisés, quasi momifiés me dévisagent comme si j’étais un pangolin échappé du zoo. J’y discerne de la surprise, un peu de béatitude, mais surtout de la défiance. Car l’injonction, la sommation, que dis-je, l’ultimatum se lisent dans les pupilles cataracteuses. Et les pupilles, même opaques, ça ment pas.
Je fais un pas, mais un râle sépulcral, sourd, étouffé, caverneux, réprobateur et collectif me cloue sur place,
Ah, l’indéfendable faute, l’inexcusable bévue, l’impardonnable boulette. J’ai omis le geste sacramental, la saponification sacerdotale.
Je me précipite sur le calice contenant la solution hydro-alcoolique virucide. La sainte carafe trône à l’entrée. Solennelle sur son escabelle garnie de linge blanc immaculé. Ultime rempart face à l’agression virale. Sainte Geneviève sauvant Lutèce des Huns. Les oies préservant le Capitole des Gaulois. L’Hydroxychloroquine extirpant Raoult de l’anonymat.
Que je ne l’ai-je fait plus tôt, car, en ces temps de contagiosité pestilentielle, obtenir une place en salle de réunion Apéciste passe par l’impérative friction avec le fluide lustral.
Je m’oins les mains, par pédagogie, jusqu’aux coudes, par dévotion, un peu sur le front, par bigoterie, derrière l’oreille, par coquetterie, et de nouveau sur les mains, par gourmandise.
La tension retombe. Les têtes masquées se plongent dans ces revues aux titres prometteurs, toujours positifs, souvent aguichants « Hydroxychloroquine et flou de bougé, mythe ou réalité ? » , ou « Hydroxychloroquine versus Norton, le meilleur anti-virus ».
J’envisage alors de me choisir sereinement une chaise libre, ayant sacrifié au saint sacrement purificateur. Je fais un pas en avant, un pas décidé, mais avec ce qu’il faut de tact, de retenue et de mesure, et de prudence.
Hélas, l’entrée d’un pangolin covideux n’aurait pas déclenché pire apocalypse chez mes compagnons clubistes.
Le premier jette son sac-photo sur la chaise voisine de la sienne, me signifiant par ce geste franc, l’exhortation formelle à porter mon choix sur une autre chaise. Un autre, d’une œillade veule, me pousse, sûr de son coup, à choisir cette chaise libre, après y avoir, lâchement mais ostensiblement, déposé un coussin péteur. Un troisième, se croit obligé d’aligner sur la chaise voisine, sa collection complète d’objectifs Samyang qu’il a promis d’amener à l’équarrissage, par représailles. Le dernier ne dit rien, tétanisé par ma présence, et surtout par celle d’une chaise vacante qu’il tente désespérément, et aussi discrètement que possible, d’éloigner avec son trépied, un Manfrotto de fort calibre.
Je décide de rester debout. Cela calme mes compagnons APClubistes. Ils s’apaisent. L’armistice, le concordat, la paix des braves.
Et là, conscient des conséquences, j’ose annoncer, d’une voix à peine audible, que je n’ai pas désinfecté ma clé USB, mais que ….,
J’aurais toussé et émis, par cette tousserie maladroite, un petit glaviot covidé, que je n’aurais pas provoqué plus d’émoi …… . Tous fixent ma clé avec une angoisse prédictive, comme Marie Antoinette face à un tranchoir, Jeanne d’Arc devant un barbecue, Blandine avant une réunion du Lion’s club, ou le coronavirus devant un sirop à l’eau de javel.
Seule la distanciation impérieusement légale me protège d’une violence potentiellement létale.
L’animateur, d’une voix masquée et visiérée, presque éteinte me rassure. « André, lave-toi les mains d’abord, puis reprend du gel, passe la clé au gel, re-lave toi les mains et pose ta clé, là, par terre, sur cette marque rouge au sol, fais deux pas en arrière, et prend ta place, enfin une place, là, par exemple….. Bienvenue André. ».
J’exécute ces manœuvres méticuleusement, méthodiquement, minutieusement, ce qui me sauve de l’excommunication, de la lapidation ou de la tonte capillaire, cela s’est vu en périodes troublées…… .
Je m’assied, devant, sans me retourner, pour ne pas croiser leurs yeux. J’ai peur des yeux …. .
« Bon, on est tous là, on va commencer …… ».
On a beau dire, c’est quand même plus convivial qu’une visio-réunion ….
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2 juin 2020 à 11 h 25 min #1870Xavier PINCEDÉParticipant
Tu vois la visio c’est mieux finalement, et pour un gars qui photographique les canards parler à la donald duck ne devrait pas poser de problème 😜😁
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